Le bodyshaming n’est pas un phénomène nouveau
Il représente l’action de critiquer ou de se moquer du corps d’une personne (soi-même y compris) en se basant sur son poids, sa grandeur, ses formes, sa musculature, ou toutes autres caractéristiques physiques qu’elle possède.
“Elle est trop maigre, elle devrait manger une poutine…”
“Elle est trop grosse pour porter un crop top…”
“Elle est vraiment trop musclée, on dirait un homme…”
“Elle a l’air d’une échalote tellement elle est grande…”
“Elle est tellement petite qu’on dirait une enfant…”
“Mon Dieu, elle devrait manger, on dirait qu’elle est anorexique…”
“Porter des leggings ne l’avantage vraiment pas… on voit sa cellulite…”
“Son ventre est rempli de vergetures. Elle devrait porter un maillot une-pièce plutôt qu’un bikini…”
“Elle devrait se payer des broches avec les dents qu’elle a…”
“Elle devrait aller se faire bronzer un peu… on dirait une vraie pinte de lait…”
Tu crois que ces commentaires sont banals et que l’on ne devrait pas en faire tout un plat?
Garde en tête le principe suivant: Un commentaire n’a d’anodin que ce que l’on perçoit soi-même. Chacune des phrases dirigées vers la critique, qu’elle nous semble banale ou non, peut infliger des conséquences énormes pour la personne qui les reçoit. De plus, toute opinion n’est franchement pas forcément bonne/utile/pertinente à partager…
LE BODYSHAMING PEUT PRENDRE PLUSIEURS ASPECTS
Le bodyshaming n’est pas uniquement l’action de diriger des commentaires négatifs face à une autre personne. Certes, ce type d’action cause des dommages importants et instantanément observables chez la personne qui les reçoit, mais le bodyshaming peut être plus insidieux et détourné. Les médisances adressées à l’endroit d’une personne dans son dos ridiculisant une caractéristique physique peuvent causer autant de dommages.
La forme de bodyshaming la plus dévastatrice à mon avis demeure celle qu’une personne s’adresse à soi-même lorsqu’elle critique sa propre apparence en ayant recours à une comparaison face à d’autres personnes ou à des modèles auxquels elle voudrait ressembler.
Pour certaines personnes, cela sera considéré comme une façon de se pousser à devenir « meilleure », mais cette pression que l’on s’impose soi-même devant l’atteinte d’objectifs liés à l’apparence ainsi qu’aux performances a un potentiel excessivement destructeur sur notre santé mentale et notre estime personnelle.
ON NE S’EN REND MÊME PLUS COMPTE…
Qu’importe la forme de bodyshaming qui a cours, l’attention demeure centrée sur le fait qu’une personne mérite d’être jugée (par les autres ou par elle-même) principalement sur son apparence physique, au-delà des caractéristiques de sa personnalité, son intelligence, son humour, sa façon d’être inspirante, etc.
En ce sens, le bodyshaming est sournois. Lorsqu’il prend vie, l’image corporelle est atteinte et notre discours intérieur plonge dans une profonde dissonance cognitive.
Tu veux un exemple de ce que j’avance?
Je t’invite à prendre un magazine qui s’adresse *typiquement* aux femmes. En le feuilletant, tu comprendras à quel point il est prévisible que le cerveau ne sache plus quoi penser de l’apparence du corps dans lequel il prend place.
Dans les premières pages, tu pourras y lire un article sur les secrets minceur de tes vedettes favorites. Ensuite, tu trouveras un article rédigé par un intervenant social dévoué qui cognera sur le clou de l’importance de l’estime de soi, Plus loin, tu découvriras une recette de gâteau décadent. Dans la dernière partie du magazine, c’est une lettre d’opinion d’une personnalité connue qui expliquera comment elle a surmonté son manque de confiance en elle. Un “psycho-test” sur ton niveau de sex-appeal et sur tes stratégies à mettre en place pour séduire conclura l’édition “Printemps/été” dudit magazine.
Et on se demande ensuite comment se fait-il que toutes les femmes ne se regardent-elles pas dans le miroir avec la confiance et la fougue requise pour s’aimer profondément…. #incohérencequandtunoustiens
JE SERAI HEUREUSE ENFIN LORSQUE JE… *INSÈRE TA RÉPONSE*
On l’a toutes déjà dit.
Cette recherche constante de perfection influençant chacune de nos actions à viser des standards inatteignables détruit. “Inatteignable” est le terme que j’emploie, non pas parce qu’il nous est impossible de réussir, mais plutôt parce que malgré nos réussites ponctuelles, ce n’est jamais assez suffisant pour nous satisfaire. Il est toujours possible de faire mieux, d’être plus, d’avoir plus…
Le bodyshaming a le potentiel d’induire de l’humiliation et des traumatismes émotionnels sévères (surtout lorsque le bodyshaming se produit en bas âge).
Dans des cas plus sévères, des comportements malsains et dangereux face à soi-même, autant psychologiques que physiques tels que de l’automutilation, des troubles du comportement alimentaire, de la dépression, de l’anxiété, de l’isolement, et même de la dysmorphophobie (peur *irrationnelle* d’être laide, déformée, disproportionnée) peuvent survenir.
Une étude publiée dans le Obesity : A Research Journal a démontré que les gens étant soumis à des préjugés négatifs face à leur poids étaient 6 fois plus susceptibles d’avoir de haut taux de triglycéride, ce qui élève le risque d’accident vasculaire cérébral et d’attaque cardiaque. C’est épouvantable!
Toute la dynamique du « self-stigmatisation » mène aussi à une sécrétion plus grande de cortisol (hormone du stress). Cet état de stress plus important dirigera potentiellement vers des comportements compensatoires tels que le binge eating.
QUI SONT LES RESPONSABLES DU BODYSHAMING ?
Il est facile de blâmer les médias sociaux à titre de responsables de la prolifération de ce type de situations. Le phénomène des selfies, la mise en place des photos Instagrammables, le recours à des filtres grâce auxquels il est possible de transformer complètement notre apparence, etc. La volonté de faire de sa vie entière un tableau Pinterest parfait nous place devant de nombreux “échecs” ( #pinterestfail ) et la perception de ne pas être à la hauteur devant toutes ces personnes qui *semblent* pourtant parvenir à créer une réalité de rêve sans défaut nous pousse à dénigrer notre propre situation.
Les médias *traditionnels* tels que la télévision, la publicité, les magazines, le cinéma, etc. détiennent également une proportion non négligeable d’influence. Les modèles qui y sont fréquemment proposés ne représentent pas toujours le reflet de la réalité vécue par la plupart d’entre nous.
Malgré tout, les personnes ayant le pouvoir de creuser l’écart entre l’appréciation de ce que l’on est versus ce que l’on voudrait être sont, attache ta tuque et ouvre ton esprit je t’en prie, toi… et moi. Nos exigences face à nous-mêmes sont élevées et il est difficile de refuser la comparaison avec les autres autour de nous. Bien que fait de façon inconsciente, nous ouvrons la porte à la recherche de la perfection, nous défendant d’y voir une image trompeuse et irréelle.
DES STRATÉGIES POUR CONTRER LE BODYSHAMING
Il existe des solutions afin de refuser que le bodyshaming se taille une place dans notre réalité.
- Apprendre à s’aimer et cultiver l’appréciation de chaque particularité que nous rend unique. Facile à dire, j’en conviens, mais cela demeure la fondation non négociable d’une vie en harmonie avec nous-mêmes.
- Reconstruire notre schème de pensées face à ce que représente un corps “parfait”. Qui sont nos modèles? Auprès de qui puisons-nous nos sources d’inspiration? Qu’est-ce qui fait en sorte que ce “modèle” physique soit celui auquel on aspire?
- Décentrer son focus du contenant et accorder son attention sur le contenu. L’apparence demeure superficielle. Oui, le beau attire l’œil, mais au-delà de ce qui est “beau” par une définition imposée par la société que nous composons toutes et chacune, l’énergie, le charisme et la vivacité de chaque individu influence grandement notre perception de la véritable beauté d’une personne.
- S’entourer de gens positifs et inspirants. Il est tellement plus “facile” de diriger nos pensées dans une voie rayonnante lorsqu’on se sent soutenue, acceptée et motivée à donner jour après jour le meilleur de nous-mêmes.
LA NOUVELLE GÉNÉRATION PARLE FORT EN MATIÈRE D’ACCEPTATION DE SOI
Les Ashley Graham, The Bird Papaya, Shadia, Ely Lemieux, Ève Martel et Mitsou Gélinas de ce monde (pour n’en nommer que quelques-unes) déjouent cette mentalité fixe et archaïque en mettant à l’avant-plan leurs attributs. Ces caractéristiques propres deviennent leurs trésors, ce qui les rend vraies, uniques et authentiques. Elles ajoutent à leur charisme, leur magnétisme. Elles en font leurs propres atouts glorieux. Elles ne sont pas que leur “corps”. Elles sont “elles”! Elles exposent du vrai, du cru, et peu importe si ça dérange. En fait, tant mieux si ça dérange, car c’est en soulevant les véritables enjeux qu’il devient possible de mobiliser le changement vers une normalisation de la diversité corporelle saine.
ET LES GARS DANS TOUT ÇA ?
Les gars ne sont plus à l’abri de ce phénomène (l’ont-ils réellement déjà été?). La pression de la perfection et de l’image les a atteints également. Les standards leur ont été dictés. Les attentes leur sont adressées. Leur estime personnelle en prend un coup (eux aussi). La différence entre la réaction des hommes versus les femmes lorsqu’il est question de bodyshaming relève bien souvent de la façon d’accueillir la pression et verbaliser les effets négatifs de cette lourde charge. Une chose est certaine toutefois: ils ne sont pas à l’abri des cruelles conséquences du bodyshaming.
EN CONCLUSION
Le bodyshaming n’est pas seulement inacceptable… c’est dangereux et les impacts de ces comportements peuvent avoir de lourdes conséquences à courts, moyens ET longs termes. Il est impératif de traiter les autres (et soi-même) avec respect et bienveillance.
Fais attention aux mots que tu emploies lorsque tu parles à tes amies, ou lorsque tu entretiens ton discours intérieur personnel. Ils peuvent être lourds à recevoir puis à porter. De plus, je t’invite à prendre conscience des moments où tu valorises une perte de poids ou dénigres la prise de quelques livres. Tu es tellement plus que ce changement physique. Tes talents font de toi une personne d’une valeur inestimable, peu importe l’image que tu projettes dans l’oeil de la personne qui te regarde.
Emilie ♥